Cold War, Pawet Pawlikowski

Sorti en 2018, et réalisé par  Pawet Pawlikowski, le film Cold War est intéressant autant que par son côté esthétique et technique que par son côté scénaristique.
Le réalisateur a forgé la personnalité de cette œuvre par un choix esthétique flagrant ; le noir et blanc. Pendant 88 minutes nous ne voyons aucune couleur et nous pouvons l’interpréter de différentes manières. Premièrement ce monochrome est le symbole même de tout ce qui est ancien, cela apporte un sentiment de mélancolie qui est d’ailleurs présent dans le cœur des deux personnages principaux ; Zula et Wiktor. Ce choix a peut-être été pris pour l’impression visuelle que renvoyait le film. En effet le film a pour lieux essentiels la Pologne en hiver et Paris, une ville qui sort de la guerre de 39-45 à laquelle on peut donc associer des couleurs sombres. Enfin le noir et le blanc sont deux couleurs opposées mais qui se complètent harmonieusement comme Zula et Wiktor.
Un autre élément essentiel est le format carré 1:1. Nous pouvons supposer que Pawet Pawlikowski  a fait ce choix pour rappeler encore une fois ce sentiment que l’on a vis-à-vis des choses anciennes, ici le format des anciennes télévisions, celles qui pouvaient très bien être représentées dans le cadre temporel de l’histoire de l’œuvre. A fortiori, il n’y a que cette raison qui a poussé le réalisateur à faire ce choix car aucun moment dans le film fait preuve d’une tension particulière ou d’un suspens grandiose comme c’est le cas dans Mommy, par exemple.
Cette œuvre a des images telles esthétiques qu’on pourrait les identifier à des photographies car elles ont une force et un équilibre qui semblent fixer des moments où le temps s’est arrêté. Comme je l’ai écrit dans ma critique sur Moon Rise Kingdom, les premiers instants du film sont très importants pour le spectateur. Dans Cold War, les premières minutes sont marquées de chants traditionnels nordiques qui passent en bande son et à quelques moments en accord avec les images. Il s’agit en fait des enregistrements que Wiktor a sur son magnétophone, cette technique, bien que vue et revue, garde toujours son charme.  Pour ce qui est des moments suspendus, nous avons les fameux plans où le temps semble arrêté. Celui qui m’a le plus marqué est l’instant durant lequel la jeune fille chantant en compagnie de sa mère, les vieilles dames assises en ligne sur des marches pittoresques et le joueur de cornemuse accompagné du violoniste fixant tous deux l’objectif de la caméra, comme dans un instant volé.  
Par ailleurs l’auteur joue avec la perspective et les différents champs mais sans l’exploiter intensément comme le ferait Wes Anderson. Mais on peut remarquer le jeu de miroir qui est fortement présent dans le film.

Le point du scénario, lui aussi, mérite que l’on s’y attarde un peu. J’ai beaucoup aimé le fait que l’histoire, la romance de Zula et Wikthor, s’étale sur plusieurs années avec la technique intéressante de l’écran noir quand on passe d’une époque à l’autre. Les déboires de la vie d’artiste y sont racontés avec justesse.
On peut considérer que ce film est une histoire dans l’Histoire puisqu’il se déroule sous fond de guerre froide. En effet, derrière la romance des deux héros, une phase de transition entre deux époques est racontée. Le passage de l’après-guerre avec la tension entre les deux grands blocs sous tend l’histoire d’amour. Le contexte politique y est rappelé quand la compagnie propose un chant d’allégeance à Staline, quand on se rend compte de la liberté occidentale tant convoitée, de la difficulté à passer de l’est à l’ouest.

Ce film m’a plus touchée sur le plan esthétique qu’émotionnel mais il reste néanmoins un film de qualité que je vous conseille.